Adoption, annonce ! ! ! Kristina est un magnifique petit bébé âgée de trois ans ! Elle a perdu ses deux parents à cause du Sida. Elle est séropositive et elle a besoin de parents pour prendre soin d'elle ! (contactez l'orphelinat de Tchimkent, Sud-est du Kazakhstan) Kristina is a wonderfull 3 years old babie ! She lost her two parents because of AIDS She is HIV-positive and needs parents to take care of her ! (contact the orphenage of Tchimkent, South-east Kazakhstan) Kanat, devant la grande mosquée de Tchimkent L'intérieur de la grande mosquée L'hôpital des maladies infectieuses d'Astana, dédié aux enfants La matérnité N°3 d'Almaty, dédiée aux femmes enceintes séropositives Le 15 Novembre, deux mois tout juste après le départ du Tour, la télévision Kazaque a voulu en savoir plus sur les raisons d'une telle initiative. La veille, j'ai été invité par l'hôpital spécialisé dans la prise en charge des enfants séropositifs de Tchimkent. Nous avons discuté, avec les parents, certains adolescents et le corps soigant. Certains parents voyaient un séropositifs adulte, vivant, pour la première fois ! Au Kazakhstan la censure est encore très forte concernant ce genre de sujet "délicats" disent-ils... Les créations artistiques des enfants de Tachkent, Ouzbékistan La grande mosquée de Tachkent des femmes âgées, la grande place de Samarkand La madrasat Alisher, Samarkand Le tombeau D'emir Timour (Tamérland, Samarkand) Les plafonds somptueusement décorés de Samarkand Le tombeau du cousin du prophète des musulman, samarkand La statue de l'Imam Al-Bukhari La grande place des madrasat, Bukhara La statue d'Emir Timour, Tachkent Une famille soudée, face au Sida Ils vivent dans des conditions impossibles La prière du vendredi, près de la capitale La grande mosquée d'Achghabat, l'une des plus grande au monde La statue en or du président, sur la place centrale de la capitale La tenue traditionnelle des hommes turkmènes La marché de Mary, la ville d'Abraham La citadelle des femmes, près de Mary La citadelle des Hommes, près de Mary Le jeune homme qui voulait se marier devait lancer une pomme assez fort, pour qu'elle atteigne la citadelle des femmes situé non loin de là La palais des derniers des souverrains du Turkestan Des femmes balouches Un mariage Balouche L'antique citée des Pars Photos de Ludovic Zahed © 2008 | All rights reserved |
Because
AIDS orphans and HIV+ children deserve to laugh and be loved like any
other child !
Les textes de ce blog, retravaillés, sont désormais disponibles aux éditions l'harmattan (cliquez ici)
Tout
d’abord, en ce début d’année
2009,
je tiens à vous présenter tous mes vœux
de bonheur, de santé, de prospérité,
pour vous et vos proches ! Je
tiens également à m’excuser de
n’avoir pu de nouvelles avant aujourd’hui. En
effet, la censure des pays du
Caucase, en Iran, ainsi que les connexions Internet
médiocres voir inexistantes
au Pakistan, m’ont tout simplement interdit toute mis
à jour Merci de
votre soutien, Un commerce d'un nouveau genre,
sur
l'antique route de la
soie « Et
le
cyclope demanda à Ulysse, qui avait beaucoup
voyagé : qui es-tu ». « Personne ! »,
cria Ulysse (Homère,
L’Iliade et l’Odyssée) Les
autorités russes m'ont enfin laissé sortir.
Après
plusieurs jours passés à vagabonder
d'hôtel en hôtel dans
Tcheliabinsk, j'ai fini par trouver un établissement
qui accepte de me garder plus d'une nuit, malgré mes soucis
de visa. C'est un hôtel
appartenant à l'état. Là encore le
système semble bien rodé : ils vous
empêchent
de sortir du territoire, l'administration n'est ouverte que quelques
heures par
jour. Les trains qui quittent le pays sont tous programmés
le matin. Ce qui
veut dire que vous êtes obligé de passer au moins
quarante huit heure sur place.
Et ils le savent bien ! Quarante huit heures que vous passez
à soutenir l'économie
locale en dépensant votre budget à grand frais.
Les hôtels ont tous cela en
commun qu’ils sont très mauvais
marché ! Quoiqu'il
en soit, j'ai pu trouver cet hôtel grâce
à un
jeune étudiant russe. Lui et sa fiancée sont
inscrits au championnat régional
de patin sur glace. Un grand blond aux yeux bleus. C’est le
russe typique,
comme on l'imagine. Jeune et pourtant si désabusé
semble-t-il à propos de cette
« balshaya russia ».
Cette
grande Russie, qui semble-t-il est devenue une sorte de
« private Joke »
pour de nombreux russes. Je dois beaucoup à ce jeune Paul.
Voyant ma détresse,
il a passé plus d'une heure à faire du porte
à porte dans tous les hôtels de la
ville, traduisant en russe ma demande formulée en anglais.
Ce samaritain bien
intentionné m’aura parmi de passer les deux
deniers jours de cette longue
semaine, à la chaleur d'une chambre d'hôtel. J'ai
couru pendant trois jours
d'administration en administration. Les gens du peuple là
encore m'ont été d'un
grand secours. Ils m'ont immédiatement mis au diapason :
« Nooon...
Attention ! D'abord tu dis bonjour, s'il vous plait. Ensuite
tu parles...
Ensuite seulement. » D’ailleurs, les
comptoirs sont fait de tel façon
qu’on ne peut s’adresser aux fonctionnaires que si
l’on se prosterne
littéralement vers le bas de la grande bais
vitrée, là où se trouve une
minuscule fente, tout juste assez grande pour laisser passer quelques
échos de
votre voix. Ce n’est pas un hasard, tous les comptoirs, tous
les comptoirs en
Russie sont faits sur ce modèle disons… imposant,
voir humiliant. Voilà, c'est
simple pourtant. Une fois qu'on a compris qu'en Russie rien n'a
vraiment
changé. C'est toujours la tyrannie
de la
minorité, drapé dans le manteau de la
majorité. Après un mois en Russie, le sort des centaines de milliers
d'enfants du Sida s'explique mieux à mes yeux. Il n'en est
pas moins révoltant.
Tout est lié ! Pourtant la politique est bien la
dernière de mes préoccupations.
Toutefois, la langue de bois n’est pas mon genre non plus. Aujourd'hui,
après ce qui fut la première véritable
galère de ces deux
mois de vécus en
nomade, intenses en émotions, je perçois mes
équilibres intérieurs restaurés.
J'ai de nouveau le sourire facile, pour un rien. En cela,
d’entre tous les
encouragements celui de ma mère a été
d’un réconfort inestimable !
« Quand j'ai vue ton blog pour la
première fois, j'en ai pleuré ! C'est
bien ce que tu fais mon fils ! Tous ces pauvres enfants...
Continu, ne
baisse pas les bras ! On est tous derrière
toi !» C'est vraiment drôle,
car c'est la toute première fois de ma vie que ma
mère ne me demande pas de
« rentrer à la
maison ». Sans relâche et durant les
trente ans
de mon existence passée, à la vue du moindre
danger hypothétique, ma mère a eut
pour habitude de se mettre automatiquement en position de
mère poule, prête à
couver ! Ma mère : « sans son
amour, ans l'adoration qu'elle a pour
nous, nous ne serions rien ». Je l'ai
répété plusieurs fois à mes
frère et
sœur. Tout n'a pas toujours été rose.
Mais l'amour de cette mère est incontestablement
le socle de confiance et d’énergie vitale sauvage,
sur lequel je jongle afin de
construire l’équilibre de ma vie. C’est
paradoxal, mais c’est l’amour éperdu de
cette mère qui m’a aidé à
construire cet iceberg glaciale et profondément
ancré
sur les abimes de mon existence, qui me permet aujourd’hui
d’avancer sans même
songer à ménager ma peine. L’amour de
ma mère puis celui de ma sœur, et enfin
le respect durement acquis et l’amour de mon frère
ainé : ces sources d’amours
et de respect sont devenues le phare de mes nuits, durant toutes ces
années. Nous
sommes le vendredi 7
novembre 2008. Il est un peu plus de 18h. Les
douanes russes et
Kazakhs sont derrière moi ! Ils se sont tour à
tour étonnés de voir autant de
visas sur mes deux passeports français. Pourtant je suis
passé, toujours sans bakchich
: incroyable ! C’est ainsi que je partage ma cabine avec
Hussein-al-din
Karimov. Rien que ce non déjà, c'est toute une
épopée. Je suis passionné par
l'histoire de ces peuples de l'ancien Turkestan. Ce sont eux, pas les
arabes,
qui sont les véritables fondateurs de ce
« vieil homme malade de
l’Europe », que fut l'empire Ottoman
jusqu'à la première guerre mondiale. Hussein
est un grand brun d'origine Ouzbek : mâchoire
carrée, les traits fins, aquilins, les yeux en amende.
« Toi tu as l'air
de quelqu'un de bien », me lance-t-il sûr
de lui, après bien au moins,
allez... oui cinq minutes de discussion, pas plus. Il sort aussi sec de
sa
poche un bout de papier sur lequel il écrit soigneusement
ses noms, prénoms,
adresse, téléphone de bureau, du domicile... Cinq
minutes en nouvelle Terre
étrangère et me voilà
déjà à des années
lumières de notre bonne vieille Europe.
Là, je suis dans une contrée dont
l’histoire à été
forgée par l’hospitalité
mythique des peuples du Caucase. Pourtant, en raison de la domination
soviétique
sur toute la région, ici les gens parlent russe. Il
n’en reste pas moins que
l'Europe semble bien loin derrière moi.
« Tu vas venir chez moi, à
Tchimkent dans le sud est du pays. Nous avons une grande
maison », me dit
Hussein. « Ma femme te fera des grillades. Je te
présenterais à mes deux
enfants, mes frères et sœurs et leurs
conjoins ». Je suis sincèrement
touché. Soulagé aussi, comme si je ne ressentais
plus cette nécessité vitale d'être
en permanence sur le qui vive. Nous verrons bien si j'ai le temps de
répondre à
l'invitation d’Hussein avant mon départ du
Kazakhstan. Au
réveil le lendemain matin, ce sont des steppes
enneigées à perte de vue qui nous accueillent.
Par l'une des fenêtres ouvertes
du train, je respire à plein poumon un air nouveau. En moins
de deux mois, j'ai
finalement reliée l'Asie ! Nous arrivons à Astana
en début d'après-midi, la
grande ville du nord et capitale du Kazakhstan. Ce pays est
très particulier.
Ici il n'y a rien à perte de vue. C'est en partie de cela
que le pays tire son
charme. Pourtant, les kazakhs ont construit à Astana toute
sorte d'édifices
dignes des plus excentriques monarchies du golfe. Une architecture
financée certainement
grâce à la manne pétrolière
et gazifière qui désormais coule à
flot, depuis le
sous-sol de ce pays grand comme cinq fois la France. A
Astana, je mène ma petite enquête sur la
façon dont les
femmes enceintes séropositives et leur enfant sont prises en
charge. Puis, le
lundi 9 novembre je parcours le pays d'Astana à Almaty, la
seconde des plus
grandes villes du pays et capitale du Kazakhstan
jusqu’à la fin du siècle
dernier. Dans le train qui me conduira bientôt à
Almaty, je fais une courte
sieste. La nuit tombe. La locomotive fonctionne ici aussi au charbon,
eh oui.
Elle crache derrière elle des nuée de feu follets
rougeoyants qui illuminent la
nuit de chaque coté du train. Dans une telle
contrée, on leur accorderait
aisément une volonté magique : les
feus follets des grandes steppes Kazakhs ! Ils sont
chacun l’incarnation
de la mémoire, des rêvent et d’une perle
de conscience de ces cavaliers
nomades, fiers et sauvages, aujourd’hui disparus. Ma cabine
est dans le noir,
je suis seul. Par la fenêtre, j'observe ce paysage unique qui
s'offre à ma vue.
Nous traversons ces grandes steppes sous une Lune pleine. Le ciel est
sans un
nuage, tout juste quelques filets de brume glacée. J'imagine
l'état d'âme de
ces cavaliers kazakhs de l'ancien temps, face à tant de
beauté, galvanisés par
cette immensité. Communiant avec notre père le
ciel et notre mère la terre, qui
s'étend sous nos pieds à perte de vue. Je les
imagine, je les vois galopant
sous ces astres de toute éternité, aux
cotés de notre train. Je m’endors en
chevauchant des rêves de liberté. Almaty
se trouve au pied de montagnes hautes de plus de
cinq mille mètres, comme la montagne Wistofka. Il est
aisé d’imaginer le culte animiste
que les premiers kazakhs ont pu voués à ces
montagnes aux formes étonnamment
pyramidales, verdoyantes, une rivière paisible sinuant entre
elles. On voit ces
montagnes au loin, depuis l'avenue Auezova. Elles sont
également affichées en
grand, un tableau de deux mètres sur quatre qui
trône à l'entrée du
centre de dépistage et d'étude
épidémiologique de la république du
Kazakhstan. Oui, ce genre de régime adooooore,
jubile devant ce genre de noms à rallonge. Des noms qui
emporte, qui embrigade,
qui ensorcèle l'esprit : si le nom est aussi long,
c’est forcément qu’il
veut dire quelque chose ! Un nom qui ne saurait toutefois
faire oublier le
fait qu'ici au Kazakhstan, seul les enfants ont accès
à un traitement
gratuitement (soit un peu plus de deux cent enfants infectés
par le sida,
beaucoup plus selon les estimations non-officielles). Les autres
personnes
séropositives doivent se débrouiller seuls et
faire avec l'aide des nombreuses
ONG américaines qui occupent le terrain humanitaire ici,
dans cette ancienne
république communistes. Alors,
bien que les montagnes Wistofka fassent
bouillonner mon imagination, je ne prendrais pas le temps d'aller y
voir de plus
près. Je n'ai qu’un court visa de transit pour le
Kazakhstan. En revanche, je
prends le temps de rendre visite à l'union
des personnes vivant avec le sida : une
confédération d'envergure
nationale, crée par et pour les
personnes séropositives. J'y rencontre notamment Nurali. Un
homme d'une petite quarantaine
d'année, président fondateur de la
première association de jeunes séropositifs
kazakhs
(chapeau, quel courage dans un pays pareil !). Cela me rappel
un peu ce
que nous avions fait avec JHsplus en France, il a un peu plus de cinq
ans
maintenant. Mais sans commune mesure. Je rencontre également
Pugee, un mongol
charmant, fier d'assumer son homosexualité et sa
séropositivité. Ces gens
rencontrés au Kazakhstan sont véritablement
adorables ! C'en est rafraichissant,
après tout ces moments durs passés en Russie.
Cela dit, le tableau dépeint ici à
un air de déjà vu : conduites à
risques, toxicomanie, prostitution,
transmission de la mère à l'enfant. Les
statistiques sont tout de même moins
affolantes qu'au Nord de l’Oural. Elles figureront sur le
rapport publié par
l'association comme à chaque étape de mon
parcours. Toutefois, il ne faut pas être
dupe. Ici aussi tout est contrôlé par le
gouvernement. La censure est telle que
je ne peux même pas accéder à mon
propre blog ! J'ai passé plus de trois heures
hier dans un cybercafé pour en arriver à cette
conclusion inéluctable. Au
Kazakhstan, toutes informations concernant le sida ou les enfants
séropositifs
sont hermétiquement filtrées, strictement
censurées. Déprimant ! Surtout lorsque
je repense à tous ceux à qui j'avais promis cette
mise à jour. Une fois mon
enquête terminée à Almaty, je prends
cette après-midi là le train pour
Tchimkent : la dernière agglomération kazakhe
avant l'Ouzbékistan. Nous verrons
ce que fait l'état pour les enfants du sida
là-bas. Nous
sommes le jeudi 13 novembre. Il est un peu plus de
huit heures. Une lune pleine et rousse vient tout juste de se coucher
à
l'horizon. Note train entre en Gard de Tchimkent. Je suis accueilli
à la descente
du train par Kanat, président de l'association
« protéger
les
enfants contre le sida »
(l’association ne disposait pas d’un site
Internet, c’est pourquoi je leur ai publié une
page web qui leur est dédié.
J’en ferais de même pour
d’autres
associations rencontrées sur ma route, notamment en
Ouzbékistan. Ces pages web
sont consultables à l’adresse suivante : http://www.living-with-aids.org
).
Kanat insiste pour me conduire
chez lui, j'accepte. Nous petit-déjeunons en compagnie de sa
femme Alia et de ces
deux enfants, Aourjan et Baourjan. Ce sont des jumeaux
âgés de trois ans.
Baourjan le garçon est l'ainé. A la naissance, il
a dû être admis en réanimation
d'urgence. C'est là qu'il a contracté la maladie.
A la naissance, rendez-vous
compte ! Il y a trois ans, malgré la richesse du
pays, les infrastructures
médicales kazakhes étaient dignes du
début du siècle. Les services de
réanimation pédiatrique disposaient à
peine d’une demi-douzaine de cathéters
(seringue pour l’administration de soins par intraveineuse)
pour la trentaine
d’enfants présent en continue dans ce service. Le
sang transfusé n’était pas
traité, aucune mesure élémentaire
d’asepsie n’était respectée.
Les enfants ont
été contaminés par
centaines ! Au Kazakhstan, les statistiques officielles
parlent de moins de 11500 personnes infectées par le VIH,
dont moins de trois
cent enfants. Un chiffre dérisoire qui ne prend pas en
compte les personnes contaminées
en raison de leur toxicomanie. Alors que l'on sait qu’il
s’agit là de la
principale cause de contamination dans ce pays. Notamment dans
certaines villes
minières du centre du Kazakhstan, où le trafic de
drogue a rapidement et durablement
remplacé le travail à la mine, après
l'effondrement de
l'URSS. Ici toutefois, à Tchimkent les
enfants ont officiellement tous été
contaminés à la maternité. Depuis
ces tragiques évènements, le président
Kazakh à
promis que la censure serait en grande partie levée sur les
questions ayant
attrait au VIH/Sida. Monsieur est trop bon... Depuis, dans chaque
grande ville
du pays un hôpital flambant neuf a été
construit, tout spécialement pour
accueillir les enfants infectés. A Astana, Almaty, tout
comme ici à Tchimkent,
je les ai visités personnellement. Parfois j’ai
dû pénétrer par la porte de
derrière, avant d’être
repéré par le personnel et introduit
auprès du chef
d’établissement. Même si les
autorités ne reconnaissent pas l’ampleur du
problème, ils ont au moins adopté certaines
mesures afin de prendre en charge
les enfants contaminés. Mais l’information
à encore du mal a passé.
D’après
Kanat, bien des kazakhs pensent encore que le Sida est une
malédiction et les
personnes séropositives des pêcheurs. En effet, la
Kazakhstan est un pays où la
résurgence du sentiment religieux est importante,
après des décennies
d’interdiction de toutes formes de culte. Alors lorsque la
télévision kazakhe
entend parler de mon projet, ils me sollicitent pour venir expliquer
devant les
caméras ce que c’est que de vivre avec le Sida
depuis bientôt treize ans. J’ai
véritablement l’impression
d’être pris pour un animal de foire. J’en
ai presque
honte. Tout en même temps que je suis heureux de
pouvoir contribuer à
combattre les tabous liés à ce virus. Je
tiens également une petite conférence devant les
parents des enfants. Des parents qui sont parfois eux-mêmes
infectés ; les
mères en particulier, puisque l’allaitement est un
des vecteurs de transmission
du Sida, depuis la mère vers l’enfant mais aussi
depuis l’enfant vers la mère.
Cette maladie n’épargne rien, pas même
l’amour d’une mère porté
à son
nouveau-nés. Il n’appartient
qu’à nous de changer les choses ! Nul
besoin
de ce voiler la face, de lever le poing au ciel, d’en vouloir
à la destinée.
C’est nous, qui devons prendre en charge les plus
démunis d’entre nous, de
façon humaine et solidaire. Aujourd’hui, de
manière générale nous vivons mieux
qu’il y a un siècle, bien mieux. Mais les choses
de l’existence ne sont jamais parfaites
et il reste encore beaucoup de travail à abattre.
C’est dans cet état d’esprit
que j’entame mes propos devant toutes ces familles et ce
personnel soignant,
réunis là pour m’entendre.
« Al-salam halaykoum, kormette atanallar.
Mé
nème attam Ludovic ». C'est ainsi que je
me suis présenté en kazakh, comme
m’a conseillé de le faire Kanat. Cet homme est
futé, il est d’une rare
intelligence pratique. Ce sont quelques mots de Kazakhs
prononcés, je présume,
avec un fort accent parigo. Je vois
quelques sourires s’esquisser.
L’atmosphère est plutôt
détendue, c’est pour le
mieux. J’entame une petite heure de présentation
du projet du Tour du monde,
avec l’aide d’une interprète
bénévole (un professeur d’anglais
à Tchimkent, qui
s’est portée volontaire). Ce sont les
infirmières qui posent les premières
questions. Certaines sont d’ordre médicale,
d’autres sont beaucoup plus
personnelles, du genre : « et vous
êtes
marié… ? ».
Les rires fusent dans toute la salle. Je sens que mon pari est
gagné ! Le
Sida, il faut vivre avec, certainement pas passer son temps
à ruminer les
évènements passés. Il faut que ces
parents continuent d’apprécier leur vie,
qu’ils aiment leurs enfants et leur donnent l’envie
de grandir !
Les parents eux aussi,
ont beaucoup de questions. Ils veulent tout d’abord savoir
comment j’ai été
contaminé. Je leur fait une réponse de
normand : de mon point de vue, je
me sens humainement proche de tous les séropositifs que
j’ai rencontré. Ce ne
sont pas des paroles en l’air. Dans la vie, ce genre
d’expérience traumatisante
toute particulière, vous donne la sensation même
indirecte, d’être
intrinsèquement lié aux individus qui comme vous,
doivent passer ce genre
d’épreuves en apparence impossible à
surmonter. En apparences seulement, la vie
n’est souvent qu’illusions et Samsara
disent les bouddhistes. En définitif, j’ai la
sensation d’avoir souffert de ma
contamination à l’hôpital lors de mes
fréquentes vacances en Algérie, tout
comme ces enfants innocents l’on été
à l’hôpital de Tchimkent. J’ai
également la
sensation fantôme d’avoir été
contaminé en me droguant sans utiliser de
seringue propre, quelque part sous les ponts du métro
Stalingrad à Paris. J’ai
été contaminé en me prostituant
d’abord au Kazakhstan puis en Russie et en
Ouzbékistan. J’ai ainsi été
la victime de ce nouveau commerce
sur la route de la soie. Je ne veux pas, au grand
jamais, que qui ce soit puisse aujourd’hui encore
être stigmatisé comme un
séropositif de « second
ordre ». Il n’y a pas de victime plus ou
moins innocente face à la maladie, quelle qu’elle
soit. La souffrance est une
face au Sida et cinquante pour cent de cette souffrance est due aux
préjugés,
aux stigmates que les Autres vous imposent, aux carcans dans lesquels
certains
voudraient vous enfermer. Tout doucement, à ma
manière j’ai su sortir de cette
tranchée dans laquelle beaucoup aurait
préféré me voir
évolué. Là en bas, dans
le trou, loin de leurs regards gênés.
J’explique tout ceci aux parents que j’ai
face à moi. Je suis serein. Je pense que le message est
passé : Il vaut mieux
expliquer aux enfants clairement ce qu’est leur maladie.
Plutôt que de tenter
de se plier à ces préjugés,
partagés par encore trop d’entres nous, et selon
lesquels il y aurait de « bons
séropositifs » (ceux
contaminés à
l’insu de leur plein grès) et puis tous les
autres. C’est trop facile ! Là,
le débat est vraiment lancé. Les parents prennent
la
parole les uns après les autres. Ils s’oublient
même parfois et s’expriment en
kazakhs entre eux. Excellent, le courant est passé, il vie
en eux
maintenant ! Ils veulent savoir en particulier comment
j’ai pu survivre si
longtemps, ce que je mange, quel genre de sport je pratique. Pour la
plupart
d’entre eux, je suis le premier adulte vivant avec le VIH
qu’ils voient de leur
vie. J’essaye de les rassurer, de leur dire que
l’on peut vivre longtemps avec
ce virus, pour peu que l’on ait les soins
appropriés, comme cela semble être le
cas au Kazakhstan depuis peu. Je leur dit aussi combien je suis
solidaire de ce
qu’ils vivent et combien j’aimerais leur apporter
plus. Je leur rappel
également, si besoin est, qu’ils ne sont coupables
de rien ! Qu’ils ont le
droit d’être tristes. Mais qu’il est sans
doute plus souhaitable pour eux-mêmes
comme pour leurs enfants, de surmonter le premier choc de
l’annonce de la maladie,
de vivre aussi normalement que possible à nouveau. Mes
paroles semblent
réellement leur avoir fait du bien. Pour eux je suis
l’exemple de ce que leurs
enfants pourront accomplir plus tard, pour peu qu’on leur en
donne la chance.
C’est une position
« d’exemple » que
j’ai déjà vécu par le
passé,
lorsque j’ai contribué à fonder la
première association de jeunes séropositifs
en France. Un pied d’estal en quelque sorte. Une position que
de nombreuses
personnes voudraient occuper. Une position très dangereuse
en réalité. Nombre
de gens vous admire pour ce que vous faites, bien qu’il ne
sache rien de vous
personnellement. Mais bien plus nombreux sont ceux qui vous jalousent
ou ne
comprennent tous simplement pas pourquoi vous vous acharner
à vouloir changer
les choses. Cette position d’exemple je ne le revivrais pour
rien au
monde ! Mais au Kazakhstan, du fait de la distance qui me
sépare de chez
moi et parce qu’ici personne ne me connais, je sais que je
suis protégé de ce
genre de conséquences outrancièrement positives,
tout autant que des
conséquences négatives de ce genre de situation.
Je prends mon rôle très au
sérieux, j’aimerais en faire plus ! J’ai
l’espoir d’une part que mon initiative de ce jour
portera ses fruits, sur le long terme. Que je serais en mesure
d’exploiter
cette initiative qui ne doit être qu’un point de
départ. J’espère avoir la
capacité intellectuelle et physique de réellement
travailler pour le bien de
ces enfants. Ce sont ces nobles fins
que je poursuis, inlassablement. J’imagine
déjà le genre de suite que nous
pourrons donner à ce qui n’est de mon point de vue
qu’un travail d’enquête
préliminaire, dès mon retour chez moi. Mission
humanitaire de soutient
médicale, psychosociale et de formations
dédiées aux associations prenant en
charge les enfants du Sida à travers le monde ;
réunion régulière des
enfants du Sida, au moins une fois tous les deux ans, ainsi
qu’une enquête du
même genre (mais beaucoup plus rapide) également
tous les deux ans ;
bourse d’étude pour les orphelins du sida
désireux de faire des études
supérieures… La
tâche est immense !
Certains experts, comme le désormais prix Nobel de
médecine et codécouvreur du
virus du Sida, le professeur Luc Montagnier, nous garantissent que nous
n’en
sommes là qu’au début de cette
pandémie. « Le Sida sera une maladie du 21ème
siècle », déclarait-il peu
avant mon départ de France. Le pire est encore
à venir. Bien évidemment, lorsque l’on
sait que plus aucune multinationale
pharmaceutique n’investit désormais dans la
recherche d’un vaccin. En clair, à
ce rythme là il n’y aura jamais de
remède au Sida. « Pas
rentable »,
nous disent-ils. Oui, forcément lorsque l’on sait
qu’il y a des millions de
séropositifs et qu’un mois de traitement
antirétroviral coûte plus de mille
euros, pourquoi s’embêteraient-ils à
perdre leur temps à nous trouver un
vaccin !? Mais là encore, doit-on blâmer
la destinée, le ciel, les
Autres… ? C’est nous,
l’espèce
humaine qui décidons de la société
dans la laquelle nous vivons. Cela nous
engage tous moralement. C’est un choix de
société que construisons ici et
maintenant. C’est nous, directement ou indirectement, mais
c’est nous qui avons
construit ces multinationales. Et la vérité est
dure à affronter mais nous
avons construit une société humaine où
les médicaments servent à
générer du
profit d’abord, et ensuite seulement à soigner les
enfants. De mon modeste
point de vue et cela n’engage que moi, Il ne tient
qu’à nous de changer le
monde dans lequel nous visons, chacun à notre
échelle. Cela prendra du temps,
mais les choses changent. Pour ma part, je veux participer activement
de ce
changement. Je veux que ma vie serve
à autrui. En réalité, c’est
très simple. Voilà,
c’est dans cet état esprit que je quitte Kanat et
sa famille, le cœur serré de ne plus revoir avant
longtemps sans doute les
petits Aourjan et Baourjan. Sans me connaitre vraiment, ces gens
m’auront
ouvert les portes de leur foyer. Aujourd’hui encore je me
pose la question de
savoir comment les remercier un jour
L'Ouzbékistan
Nous sommes le samedi
15 Novembre. Tôt le matin j’ai pris un taxi depuis
Tchimkent, direction la
frontière Ouzbèk à une centaine de
kilomètres de là. Cela fait tout juste deux
mois que j’ai quitté la France.
L’Ouzbékistan sera le neuvième pays que
je
visiterais. Neuf, un chiffre porte bonheur ? Espoir, espoir
dis-moi ton
nom…
Malgré
maints atermoiements avec le taxieur, qui refuse dans un premier temps
d’accepter l’argent qu’il
était pourtant convenu que je lui donne pour la
course (le coup classique), je finis par trouver un moyen de le
convaincre. Je
menace de le maudire, lui et sa famille. Sa marche ! Il suffit
de
connaitre quelques
« incantations » en patois local
et de tomber sur
un chauffeur superstitieux. L’enfance de l’art,
n’est-il pas !? Il ne vous
reste plus qu’à apprendre la
« Langue ancienne », comme
l’appel
encore certains. Cela afin de vous sortir de ce genre de situations
délicates !
Le
pauvre bougre a si peur, qu’il me promet même de me
révéler un secret que sa
famille conserve religieusement et ne révèle pas
même sous la torture ! Le
« visage pâle » que je
suis, me dit-il, saura certainement en faire
bonne usage puisque je parle le langage de
« l’Alam
al-Mithal » :
cette langue aux accents gutturaux alambiqués, qui fut
autrefois parlée par
toutes les peuplades libres et nomades de la région. Je suis
circonspect,
est-ce là une ruse pour me soutirer encore plus
d’argent ? Mon incantation
improvisée aurait-elle une signification que je ne
connaitrais pas ? D’une
expression craintive, le visage de cet homme a revêtu en un
instant les atours
d’une expression empreinte d’une assurance
impassible, séculaire. Ce vieil
homme à l’aspect bourru est-il plus dangereux
qu’il n’y parait !? Dans ce
cas là je ferais mieux de prendre mes jambes à
mon coup avant que…
Le
bougre ne me laisse pas le temps de suivre jusqu’à
son terme le cours
de mes pensées : il m’agrippe
solidement le bras ! Il se penche vers moi, mon cœur
manque un battement…
et repart de plus belle. Je suis
tétanisé ! Après un instant
qui me semble
durer une éternité, dans la même langue
il murmure à mon
oreille : « Aourjan
n’est pas le seul enfant Kazakh qui compte
sur toi ». Quoi !? Comment sait-il chez qui
j’ai logé !? Alors,
il sait aussi qui je suis et ce que je fais ici !? Pourtant
l’interview
pour la télévision kazakhe n’a
même pas encore été diffusée
sur les ondes
hertziennes. Malédiction, je suis perdu ! Au milieu
de nulle part, sans
personne aux alentours, je pourrais être
dépouillé voir pire, avant que les
gardes frontières qui se trouvent encore à
plusieurs centaines de mètres, ne
daignent venir voir de quoi il retourne.
Mon
esprit fonctionne à toute allure, j’envisage le
pire. Je jauge mon
environnement immédiat afin d’improviser la
meilleure arme pour assommer ce
vieux truand. Et sûr de lui en plus
l’énergumène ! Toutefois,
rapidement
je perçois que quelque chose cloche. La taxieur ne bouge
pas, il est là à me
regarder calmement. Sous l’effet du stress, mes perceptions
sont décuplées.
L’odeur de son haleine saturée de tabac,
m’enivre la narine. Sa peau tannée par
toutes ces années passées à courir les
routes sous un soleil de plomb, accapare
ma conscience le temps d’un battement de cil. Ces rides
profondes, telles des
sillons creusés par les ans et ces yeux, noirs, le regard
dur, intense, presque
triste. Et sur sa main droite, un tatouage que je n’avais pas
remarqué au
premier abord. Là, c’est comme ci je ne voyais
plus que lui ! C’est un
signe très particulier. La référence
au panthéon grecque est évidente. Mais il
y a aussi cette forme intrigante, entre le
« kha » de la langue du
Mithal et le point d’interrogation inversé. A
quelle question existentielle ce
symbole peut-il faire allusion !? Oui aucun doute, ce symbole
que je vois
pourtant pour la première fois, pourrait très
bien être celui d’une confrérie
obscure quelconque. C’est d’ailleurs exactement le
même signe que j’avais vue sur
cette mystérieuse missive qui m’avait
été adressé à
l’hôtel de
Saint-Pétersbourg, en Russie. Une simple carte, un message
succinct :
«ceux qui veulent d’un monde meilleur pour leurs
enfants, te saluent ».
Oui, quelque chose comme ça. A l’époque
je me souviens m’être fait la réflexion
qu’il s’agissait certainement d’une
erreur d’attribution. Voilà le symbole dont
je vous parle :
Je
repense à tous ceci en quelques fractions de secondes,
lorsque le chauffeur
ajoute : « Des millions d’enfants
comme Aourjan attendent d’être
délivrer de ce mal qui les
étreints ». Les accents mystiques de
cette
langue antique ajoute à l’atmosphère de
plomb du moment présent. Après le
premier choc, je bois les paroles de cet homme, je veux en savoir
plus !
« As-tu jamais entendu parler de la
confrérie des gardiens du
Khouloud !? » Bien évidemment,
comme tout amateur orientaliste qui se
respecte. La légende du Khouloud a eut autant
d’impact sur les civilisations du
croissant fertile, que celle du saint graal sur la
société du moyen-âge
européen,
ou celle de l’Arbre
d’éternité sur la civilisation
amérindienne. Mais le vieil
homme ne me laisse pas le temps de répondre. Il ajoute
presque
aussitôt : « Va, ta
route est encore longue en direction du
couchant. Bientôt, tu franchiras les deux sœurs
dont les flots indomptés
abreuvent mon peuple depuis Mathusalem. A travers le désert
du patriarche, père
d’une multitude de nation, tu suivras pas à pas
les traces du dernier des caravansérails.
Tu devras trouver les restes de l’armure du plus grand des
jeunes monarques.
Cette relique illustre t’indiquera le chemin de la
cité du peuple Chimaera. Là,
tu rencontreras l’une de nos sœurs
drapée dans son Aba noire. Entre orient et
occident, elle t’indiquera laquelle de la route de tes
ancêtres tu devras
suivre. Puisse l’espoir des anciens t’accompagner
où que tu sois. Nous,
gardiens du Khouloud, te recontacteront le moment
venu ».
Sur
ce, le vieux taxieur descend de la voiture, il ouvre le coffre pour en
sortir
mon unique bagage. Après avoir ouvert la portière
de mon coté, il me saisit par
la main, sans violence mais fermement, afin de me faire sortir. Il me
confie le
sac, remonte aussi sec dans son véhicule et repars sur les
chapeaux de roues.
Du coup, je n’ai même pas eut le temps de lui
régler le montant de sa course.
C’est à n’y rien comprendre !
Un fou sans aucun doute. Non vraiment, je
n’y comprends rien. A quelle confrérie a-t-il dit
qu’il appartenait
déjà !? Les gardiens du
Khouloud… Eh
puis quoi encore. *
Bon, C’est bien gentil
tout ça. Mais il me reste encore une frontière
à franchir aujourd’hui. Je
commence à avoir l’expérience de la
« chose ». Je place en lieu
sûr
tout mon argent, au fond de ma sacoche, dans une mince poche quasiment
invisible. Je ne garde que dix dollars, au cas où la
vénalité des douaniers se
ferait insistante. Effectivement, dès
l’entrée du poste frontière, les deux
premiers douaniers que je rencontre me font littéralement
les poches. Plus de
dollars, du moins plus d’argent accessible à ces
vautours. L’un des douaniers
se permet même de me tirer les poils de la barbichette.
Abrutit ! A
l’intérieur c’est la même
musique. Les douaniers kazakhs me sourient tous
lorsqu’ils apprennent que je suis français. Ils
veulent des dollars, ils
insistent. A l’un des comptoirs, afin de
m’acquitter d’une des formalités, je
reste planter là bien dix minutes afin de leur faire
comprendre, calmement,
sans me compliquer la vie que « je n’ai plus de
dollars ». Je leur montre
mes poches vides et leur fais comprendre à quel genre
d’exercice humiliant j’ai
dû me prêter dès
l’entrée du poste frontière. Je leur
dit qu’il ne me reste
plus que des Tengés Kazakhs. Mais non, de cela ils
n’en veulent pas ! « Ca
ne vaut rien », me disent-ils. Eh oui, mais ce
n’est pas mon problème.
Finalement, j’arrive
enfin au dernier poste de contrôle avant le nomansland qui
sépare les deux
pays. Là, un douanier kazakh à la bedaine
rebondie, me fait signe d’approcher
plus près. Je m’exécute. En anglais, il
me demande de vider toutes mes poches.
Celui là n’est pas aussi stupide que les autres,
il veut voir tous mes objets
de valeurs. Il prend mon téléphone portable et me
fait signe de reprendre le
reste. Je reprends donc toutes mes affaires, y compris le portable et
je trace
ma route. L’un de ses collègues
s’interposent sur mon chemin et crie aux
autres : « je suis sûr
qu’il a des dollars ». Puis, en
s’adressant à
moi : « Viens par
là », me dit-il en me
désignant un espace exigu entre la grille du poste
frontière et la petite
cabane qui leur sert de comptoir de contrôle. Tour
à tour, il me regarde et il
regarde quelque chose derrière moi. Je tourne la
tête rapidement et j’aperçois
la toque en fourrure ornées des insignes d’un
officier. Et là je comprends leur
petit manège : l’officier
supérieur de ces deux trouffions ne serait
visiblement pas content de les voir extorquer de la sorte de
l’argent aux
touristes ? Ah oui !? Ok, ni une, ni deux je retourne
ma tête et sans
un regard ni pour le petit gros con, ni pour le grand dadet tout
maigre, je
trace ma route et je passe la barrière de
sécurité. « Eh !
Eh ! ».
Ils peuvent toujours me héler derrière mon dos.
Je ne me retourne pas. Tout
débraillé que je suis, les poches encore
retournées, une partie de mes affaires
dans une main ou dans l’autre. Je marche sans
m’arrêter pendant deux cent
mètres. Les autres voyageurs du cru ceux là,
écarquillent les yeux sur mon
passage. Ils semblent ne pas en croire leurs yeux, ils
n’oseraient certainement
pas agir de la sorte. J’imagine aussi que mon passeport
couleur lie de vin me
protège tout de même un tant soit peu. Les pauvres
bougres, je n’aimerais pas
avoir affaire à ce genre de douanier inculte au quotidien.
Me voilà donc, une
fois encore… nulle part, oui. N’est-ce pas
là la définition même d’un
no-man’s-land ?
Je veux dire, ce
genre de zone tampon entre deux pays, à quoi sert-elle de
nos jours ? Avec
les armes radicales dont à peu près tout les pays
disposent. Il y aurait de
quoi faire sauter plusieurs fois notre bonne vieille mère la
Terre, et
allégrement. Alors placer quelques centaines de
mètres comme sécurité
quelconque entre deux pays, quelle idée vraiment !?
Enfin voilà, je marche
vers le coucher de soleil pendant plusieurs centaines de
mètres. Bientôt je
franchirais à pied ce fleuve mythique, la
Syr-Daria ! Avec l’Amou-Daria,
l’un des fleuves sans lesquels l’apparition de
toutes les civilisations
moyenne-orientale n’aurait jamais pu voir le jour. Tous le
croissant fertile
n’aurait été qu’un vaste
désert encore plus aride que le plus profond des ergs
d’Arabie.
Et là sans
même vraiment y penser, les paroles du vieux gardien me
reviennent à
l’esprit : « tu
traverseras les deux sœurs… Les
flots indomptés… ».
S’agit-il là de rivières !?
Bon forcément, pour
se rendre plus au Sud il faut bien franchir tous les courts
d’eaux sur mon
passage. Rien de sorcier à cela, ce vieil homme
n’a pas du réfléchir beaucoup
pour trouver son énigme. Toutefois, il est vrai que certains
de mes ancêtres
viennent d’orient, de ZÄ�hedÄ�n dans le
Baloutchistan plus
exactement (le
Baloutchistan, coté iranien). Tandis que les autres sont
originaires d’Afrique
du nord, plus à l’ouest. Jusque là son
énigme semble se tenir particulière
bien. Quant au caravansérail, c’est pas
compliqué nous sommes en plein sur les
traces de ce qui fut durant des siècles, la
légendaire route de la soie. Les
caravansérails, j’en trouverais bien un ou deux
sur mon chemin. Reste à savoir
à quel genre de peuple Chimaera il faisait allusion.
Chimaera de chimère ?
Quel peuple plus au Sud avait-il pour emblème un animal
chimérique quelconque… ?
Là je sèche. Je verrais bien. Tout ceci ne tiens
certainement pas debout. De
toute façon, quel homme censé croirait-il
à une histoire à dormir debout pareil !?
*
Je finis par franchir
la frontière Ouzbèk sans aucun encombre de ce
coté-ci. Les touristes en Ouzbékistan
sont une manne dont on prend soin visiblement.
L’Ouzbékistan est un pays très
touristiques. C’est ainsi qu’après
quelques menus déboires avec l’autre
taxieur, l’ouzbèk, je finis tout de même
par arriver à Tachkent. Entièrement
détruite par un tremblement de terre dans les
années soixante, aujourd’hui
c’est la plus grande ville d’Asie centrale avec
plus d’un million d’habitant et
un réseau métropolitain digne des plus grandes
villes d’ex URSS. Je réside
trois jours à Tachkent, le temps de mener ma petite
enquête. J’y rencontre
notamment la charmante Kamila qui est charge du centre de
prévention et de
prise en charge du Sida. Ce centre accueille de nombreux enfants
affectés par
la maladie de leurs parents. Les statistiques là encore sont
une denrée rare et
les estimations évidemment obscures. Le gouvernement
contrôle tout et il le
fait très bien. Mais là encore,
j’arrive à obtenir quelque chiffres, à
procéder
à quelques recoupements dont j’ai
l’habitude. Bref, je me débrouille
plutôt
bien là encore.
Je me rends ensuite
sans tarder à Samarkand, l’illustre ! La
ville d’Emir Timour (Tamerlan) et
du jeune Alexandre le grand. C’est une ville
défigurée par de grandes avenues
tout à fait soviétiques. J’y rencontre
ce jeune homme extraordinaire et
débordant d’énergie qu’est
Alisher, le responsable du groupe d’initiative des
personnes vivant avec le VIH à Samarkand, ainsi que toute
son équipe. Nous
discutons durant quelques temps et je suis très vite ahuri
de tous ce que ces
gens ont accomplis depuis cinq ans, notamment au
bénéfice des toxicomanes. Ce
qu’ils ont fait, ils l’ont accomplis quasiment
seuls et sans l’aide de quelque
organisme international que ce soit. Face à la mort et
à la souffrance, les
individus déploient des trésors
d’ingéniosité !
C’est ainsi, faut-il pour
autant s’en réjouir ? Au
centre de prévention, outre Alisher qui m’aura
véritablement impressionné, je fais
l’une de ces rencontres dont vous savez
qu’elles vous marqueront pour le restant de votre existence.
Il y a là Valia,
cette petite bonne femme Tsigane d’une quarantaine
d’année (les minorités
telles que les Tziganes sont les communautés les plus
touchées par la pandémie
en Ouzbékistan). Valia est toxicomane et
séropositives. Elle et les siens vivent
dans la rue, ou quasiment. Ils occupent un squattent tout
près de la vieille
ville. Presque tous les membres de sa famille sont toxicomanes et la
plupart
sont séropositifs, y compris les enfants. Valia insiste pour
que je leur rende
visite ce soir, chez eux. J’accepte avec joie
l’honneur qu’elle me fait de me
laisser pénétrer dans cette intimité
où même les membres des ONG ne sont pas
autorisés à pénétrer, en
général. Nous
avons rendez-vous avec eux tard ce soir-là. J’ai
très peu dormi ces derniers jours. Je dois être
à la frontière turkmène le
matin du 20 de ce mois, soit dans trois jours. Du coup, je cavale
d’un bout à
l’autre de l’Ouzbékistan, sans prendre
le temps de visiter sérieusement les
sites historiques dont ce pays regorge pourtant. Ajoutez à
cela le fait que les
transports en train d’une ville à
l’autre durent plus ou moins cinq heures, ce
qui ne donne pas vraiment le temps de dormir tout son saoul. Je ne
mange pas
beaucoup non plus, je donne la priorité à
l’enquête. Je touche deux mots de
tout ceci à Alisher. Il m’invite à
déjeuner (à plus de quatre heures de
l’après-midi), il insiste pour être mon
hôte. Ensuite nous allons rendre visite
à ces amis les plus proches pour diner, presque tout de
suite après avoir
déjeuner : un rythme de folie ! Alisher
voit bien que je suis au bout
du rouleau. Il me regarde en coin, me sourit et me
demande : « ca va, tu tiens le
coup ? Tu veux te reposer
avant d’aller voir Valia ? » Ni
une, ni deux, à la pensée de faire
attendre Valia et ses proches ma réponse
fuse : « je me
reposerais quand je serais mort ! » Et nous
partons tous les deux
d’un rire sonore. Sur le chemin, Alisher insiste toutefois
pour me faire visiter
le tombeau d’Emir Timour, ainsi que celui du cousin du
prophète des musulmans,
enterré ici-même à Samarkand. Valia
et ce qu’il reste de sa famille habite tout près
du
vieux quartier de Samarkand (du moins ce qu’il en reste).
Deux de ses sœurs son
décédées d’overdose. Elles
étaient toxicomanes à l’opium, tout
comme Valia et
sa sœur cadette Sarah, toujours en vie et mère de
trois enfants adorables :
Sharona, Angelina et Igor, sept ans. Lorsque nous arrivons à
leur
« domicile », une vieille
bâtisse qu’ils squattent, sans eau ni
électricité, il n’y a là que
Milana et Shawkat : les deux adolescents et
neveux les plus âgés de Valia. Ils nous font
entrer, ils sont prévenus de notre
visite. Au début, je ne vois rien. Tout est dans le noir.
Puis, Milana et
Shawkat s’active afin de faire un peu de lumière
à l’aide de quelques bougies.
Ce qui leur sert de mobilier est plus que sommaire, fait de bric et de
broc. Je
reste stupéfait en découvrant
l’intimité de ces gens qui lorsqu’on les
croise
dans la rue ont pourtant l’air de ce qu’ils
sont : des gens comme vous et
moi. La lumière est diaphane, Milana et Shawkat sont comme
deux ombres
chinoises qui se meuvent sur la toile de fond d’une existence
qui devrait être
tout autre. Milana et Shawkat sont comme l’ombre
d’eux-mêmes. Milana,
fille de la sœur décédée de
Valia, a 18 ans. Elle
travaille depuis plus de deux ans en tant que prostituée
à la maison close du quartier.
C’est une institution comme il en existe de très
nombreuses à travers tous le
Caucase. Des maisons closes tolérées par les
autorités, à coup de solides
bakchichs. Elles sont tenues par des proxénètes
qui emploient de jeunes filles et de
jeunes garçons, âgés de neuf
à
vingt-cinq ans d’après Milana.
« Je ne fais pas ça par
plaisir… », me
dit-elle. « Mais si je ne fais pas ca, je n'ai pas
d'argent, nous n’avons
pas de quoi manger… Je
ne sais rien
faire d'autre ». Le jeune frère de Milana
a fugué après la mort de sa
mère. Il a aujourd’hui dix ans et ils sont sans
nouvelles de lui depuis bientôt
cinq mois !
Quelques minutes plus tard, Valia finis par arriver avec le petit Igor. Dehors, il fait un froid glaciale. La nuit est noire, pas un rayon de Lune à l’horizon. Ils viennent pourtant de passer une bonne partie de leur journée à faire la mendicité. Valia me fait visiter leur modeste demeure. Elle m’explique qu’ils dorment entasser les uns à coté des autres, afin de conserver le peu de chaleur qu’ils retirent de l’ersatz de foyer qui se trouve dans un coin de la pièce. Puis, elle m’invite à m’assoir sur un tabouret de fortune et nous discutons. Elle à beaucoup de chose à dire, elle en a gros sur le cœur ! Elle me confie par exemple qu’en ce qui concerne l’argent qu’ils parviennent à amasser tous ensemble, chacun à sa façon, pour un tiers il le consacre à leur nourriture. Un tiers de cet argent sert aux divers besoins quotidiens et le dernier tiers bien entendu, c’est pour l’opium. Qui, après avoir vue les conditions de vie dans lesquels la drogue les maintient, pourrait encore douter du fait que la toxicomanie est une maladie !?
Sarah vient à l’instant
de revenir elle aussi, accompagner de Sharona (à droite sur
la photo) et
d’Angelina (à gauche). Elles aussi, elles
contribuent à la survie de ce foyer.
Sans compter le fait que Sarah et Valia sont toutes les deux
volontaires pour
l’association dont s’occupent Alisher. Enfin tous
réunis au coin du feu, nous
continuons à discuter. Valia m’apprend
qu’elle connait son statu sérologique depuis
3 ans, grâce au programme national de test gratuit et parfois
imposés par le
gouvernement. Un gouvernement qui offre les tests gratuitement afin de
ficher
consciencieusement tous les séropositifs du pays. Par
contre, il ne leur offre
par la suite ni soutient psychosocial ni traitement
antirétroviral. Ils sont
livrés à eux-mêmes et doivent
s’organiser en association et groupe d’initiative
collective, afin de briser leur solitude face à la maladie.
Une solitude, une
stigmatisation qui aura emporté les deux sœurs de
Valia. Ce petit bout de femme
est très clairement le pilier de cette famille, cela saute
aux yeux ! Malgré
le fait qu’elle est également TB-POSITIVE
(tuberculose) et positive à
l’hépatite.
Je suis là près d'eux,
ils m'offrent du thé et nous leur offrons avec Alisher les
quelques samsas que nous avons pris
pour eux. Valia
me raconte les soucis qu'elle a afin d’éduquer
à son âge, une famille qui n'en
finit pas de grandir après chacun des
décès d'un de ses proches. Je lui parle
des traitements dont le gouvernement annonce à corps et
à crie qu'ils sont
gratuit. « Un traitement, quel traitement !? Quand
je vais dans un centre
médical on me demande de sortir. Parce que je suis tsigane
et opiomane ».
En fait, c’est encore plus grave que cela. Personne ici
à Samarkand ne reçoit
de traitement. Les docteurs disent à tous les
séropositifs qu'il n'est pas
encore temps pour eux de bénéficier
d’un traitement. Ils les renvoient chez
eux, sans leur faire de test sanguin afin de savoir dans quel
état se trouve
leur système immunitaire. En fait, Alisher
m’explique que le corps médical
d’Ouzbékistan a pour consigne de ne soigner que
les personnes séropositives qui
présentent des signes de la maladie. Autrement dit, ils
attendent que le
patient soit en stade Sida, qu’il ai
déclaré la maladie, que son organisme soit
à quelques mois de la mort. C'est incroyable oui !
Mais sur cinq cent
pvvih (personnes vivant avec le VIH) officiellement
déclarées à Samarkand,
aucune ne reçoit de traitement. Aucune n'en a
reçu en cinq ans d'existence du
programme associatif dont fait partie Alisher. Aucune, zéro!
Valia nous confit
également son inquiétude, sa phobie de voir les
plus jeunes commencer à
s'adonner à ce qu'elle appel la
« toxicomanie ». La
première étape
avant la drogue dure par excellence ici : l'injection d'opium. Shawkat
en est a
ce stade là. Il a à peine dix sept ans et il
commence à sniffer de la colle.
Oui, la première étape est franchie, pour lui la
route semble toute tracée. « Sortira-t-il
un jour vivant de ce squatte ? », me
demande Valia sans trop
d’illusion quand à la réponse que je
pourrais lui apporter. Je recueille leur témoignage
en silence, des larmes me brulent le fond des yeux. Je me demande ce
que je
peux faire de plus pour tous ces sœurs et frères
humains, à part de reporter consciencieusement
leur témoignage. Pour le moment du moins. Puis, tout
d’un coup Valia s’aperçoit
qu’il est l’heure pour la jeune Milana
d’aller travailler. « Milana,
pourquoi n'as-tu pas été travaillé
plus tôt
aujourd’hui ? », lui
dit-elle sur un aire réellement peiné.
« Tu sais bien que nous avons
besoin de cet argent pour nourrir la famille ».
C'est incroyable, oui. Ce
n'est pas un ton de reproche mais c'est véritablement de la
tristesse que je
perçois dans la voix de Valia. Cette femme en est
réduite à motiver sa jeune
nièce pour qu’elle vende son corps, le temps
d’une nuit. Nous sommes là, à la
lumière des bougies et des braises du foyer.
J’observe impuissant, la jeune
Milana sortir du squatte. Ce soir encore elle affrontera seule son
destin.
Celui d’une enfant du Sida confrontée à
la mort, à la maladie, à la cupidité
de
ce monde des adultes qui lui aura volé son insouciance sans
aucun scrupule.
Je ne suis qu'une
goutte d'eau, pourtant pas une seule seconde je ne remets en cause
l'utilité de
mon travail ici. Je doute de la meilleure façon de le
réaliser, oui souvent même.
Mais pas une seule seconde je ne doute du bien fondé de tout
ceci ! Après une soirée pleine n
émotions,
Valia me raccompagne à la porte de son squatte. Il fait
noir, je
n'y vois pas clair. Elle me donne la main afin de me guider dans
l'obscurité. Je la saisie, je la serre fort. Nous parcourons
ainsi les quelques mètres qui nous sépare de la
porte
principale, à l'extérieur. Je ne veux plus la
lâcher. J'ai peur de ne plus la revoir. De mon
coté il
n'ya aucune gêne. J'aime vraiment cette Valia, je ne
veux
pas lâcher sa main. Nous restons là quelques
minutes, main
dans la main. Alisher est près de nous. Oui, dès
que je
l'ai vue, j'ai su que la rencontre avec Valia marquerait le restant de
mon existence ! * Les
passages en italiques ont été romancés
dans le but d’augmenter le plaisir du
lecteur. J’espère que vous apprécierais
le modeste effet de style, que vous ne
me tiendrais pas rigueur pour avoir saisi cette liberté
à propos d’un sujet grave,
qui mérite toutefois qu’on en parle de
manière dynamique, épique même si
possible. Envoyer
un commentaire ? Merci de cliquer ici
Le
Turkménistan
Nous sommes le jeudi
20 novembre. Je me lève tôt afin de retirer de
l'argent dans l'une des rares banques
de Boukhara qui offre ce servir. Ici, lorsque vous parler d'un
« distributeur » d'argent, les
gens vous regardent avec des yeux
ronds comme si vous aviez parlé de placer un homme sur la
lune. Je mets plus de
deux heures pour trouver une banque, une vraie !
A onze heures, je
retourne à l'hôtel où j'ai
passé quatre heures hier à m'occuper d'emails, de
pétition, de mise à jour pour le site du projet.
J'ai rendez-vous avec le réceptionniste
qui m'a parlé de l'un de ses amis taxi qui me fera
« un bon prix, parce
que c'est toi mon frère ! » Ouai
bein autant te dire mon coco que les
taxis et leur « bon prix », je
commence à connaitre, tu parles. Vieil
arnaqueur, va ! J’accepte tout de même. Je
règle donc quarante dollars pour
traverser les cent vingt kilomètres qui séparent
Boukhara de Karakul, puis Alat
: cette ville frontière qui porte le nom d'une ancienne
divinité arabe antéislamique.
Je n'ai pas le temps de discuter ce tarif spécial
« touriste ». Je
commence à connaitre exactement ce que vaut une course en
taxi. Mais je suis
pressé. Je dois arriver à la frontière
coté turkmène, avant 15h.
Je suis fatigué et
malade aussi. J'ai attrapé le rhume du petit Baourjan, au
Kazakhstan. J'ai le
nez pris en permanence, une vilaine toux et un peu de
fièvre. Je suis dans cet
état là depuis deux jours. Le bain traditionnel
que j’ai tout de même eut le
temps de prendre dans le hammam de Boukhara n’aura pas suffit
à me requinquer.
Ce hammam, c’est l’un des seuls hammams
traditionnels qui fonctionne encore
dans toute l’Asie centrale. A Boukhara, tout cela en une
longue matinée, j’ai
également pris le temps de visiter la vieille
ville : un véritable petit
bijou qui lui n’a pas été
remodelé à la sauce soviétique.
Boukhara était sans doute
une ville sans grand intérêt
stratégique pour Moscou. Ce fut là sa chance. Je
visite enfin le musée dédié
à celui qui fut sans conteste le premier des grands
savants musulmans : le maitre du hadith
nabawi, Al-Bokhari. Déjà là,
je sentais que je tirais sur mes réserves
d’énergie, que ce rhume n’irais pas en
s’améliorant si je continuais de
progresser à ce rythme là. Pourtant
j’ai continué, ai-je le choix ? Pas
pour le moment, non. Je
sais que si je
tiens encore debout c'est que ce n'est pas si grave. Par contre, si je
me
laisse aller à prendre une médication quelconque,
là à coup sûr je suis bon
pour être vraiment faiblard pour au moins deux jours de plus.
Pour cela aussi
je n'ai pas le temps. Ca finira bien par passer, c'est ce que l'on dit
dans ses
moments là n'est-ce pas.
Effectivement l'air
sec, la température clémente et le soleil d'un
ciel sans nuage du désert turkmène
me fait rapidement beaucoup de bien. Pourtant je n'ai rien d'autre
à grignoter
que les raisins secs que m'ont offerts ce vieux Bokhari et sa fille que
j’avais
rencontré dans le train depuis Samarkand. Il faut dire
qu'hier soir j'ai enfin fait
une vraie nuit de sommeil. J'ai dormi au moins huit heures. Fait
très
significatif pour un hyperactif comme moi : lorsque j'ai ouvert les
yeux le
matin, j’étais exactement dans la même
position que la veille en m'endormant.
En m'écroulant serait une description plus
appropriée, certes. Qui plus est, le
fait de constater qu'aujourd'hui mon passage en douane se fait sans
embuche,
participe à cet apaisement qui s’installe en moi. A la frontière ? Le coup classique oui : Je marche deux kilomètres à pieds, mon sac à doc sur les épaules, seul sur le nomansland qui sépare les deux pays. Deux kilomètres c'est beaucoup pour une frontière, oui. Mais les deux pays ne sont pas en très bon terme à ce que j’ai cru comprendre. Autour de moi, ce ne sont que dunes de sable à perte de vue, avec ici et là des herbacées que l'ont a plantées afin de protéger la route d’une avancée du désert, pourtant inéluctable. A la fin de cette route, c'est le poste de garde frontière Turkmène : un bâtiment au milieu de nul part, des fils barbelés tout autour. La barrière qui symbolise le territoire turkmène est fermée, les officiers déjeunent. Ok... C'est surréaliste. J'ai l'impression d'être dans une scène de Kafka. D'où sortira l'homme à la tête de bête, cette fois-ci ? Je m’assois à même le sol, sur un carton. J'imite en cela les gens du cru, impassibles, résignés. Ce sont des routiers pour la plupart et des femmes, coquettes, bien apprêtées. Haut talons, jupes longues, sac à main à la mode européenne : je suis admiratif, tant d'élégance au milieu de tant de poussière. Peu importe le métier qu’elles font surement. Le vent sec souffle du sud. Ma veste noir est déjà presque entièrement terre de sienne, maculée par le sable du désert. Après le check-point, je rencontre Batir (prononcer "Bataarr"). Pour le Turkménistan, j'ai effectivement sollicité les services d'un guide. D'une part parce que le pays est hermétiquement fermé à toute intervention étrangère. Par exemple, les autorités n'ont pas honte d'affirmer qu'au Turkménistan le Sida n'existe pas. Pourtant, dans les rues des villes on voit là aussi tout autant de toxicomanes qui errent, le regard agar à la recherche d’un fixe de plus, juste un autre fixe ! La différence, c’est qu’ici au Turkménistan le gouvernement ne se donne même pas la peine de sauver les apparences. Forcément, personne n’est assez fou pour venir mettre son nez dans les histoires turkmènes. Dans ces conditions, pas la peine de jouer au kamikaze. D'autant plus que si quoique ce soit m'arrive ici, le reste de mon enquête tombera à l'eau. Par ailleurs, certaines villes du Turkménistan passent pour être les plus authentiques d'Asie centrale. Le service d’un guide ne sera pas de trop pour défricher l’histoire de ce pays qui remonte selon certains, à plus de sept mille ans. Une femme
Balouche, Nous liquidons ensemble les formalités d’usage. Puis nous prenons un taxi. C'est ainsi que nous arrivons Batir et moi-même à la gare ferroviaire de Turkmènabat, le chef-lieu du nord est du pays. Le soir venu, nous arrivons en train à Mary. La ville mythique ! L’antique cité multimillénaire. Avant le moyen-âge, Mary était la seconde ville au monde après Bagdad. Au carrefour de plusieurs des routes de la soie, l'on raconte que cette ville aurait vue naitre Abraham. Ce père d'une « multitude de peuples », cette figure idéalisée du patriarche, celui dont le nom a marqué l'inconscient collectif de centaines de générations. Celui dont on raconte que son épopée fut citée jusque dans le Râmâyana hindous ! Oui, Abraham serait né ici, sur cette même terre que je foule en ce moment de mes pieds. Nous visitons les quelques musées et sites touristiques que compte la ville. En vérité il n’y a là pas grand à voir. Puis le lendemain nous prenons la voiture qui a été louée pour moi. Nous partons en direction du Sud, vers la capitale. Sur le chemin, nous traversons des contrées désertiques où nos frères humains vivaient librement il y a encore peu de temps, drapés dans leur long manteau en laine. La civilisation humaine est apparue ici, selon certain archéologue, il y a plus de sept mille ans. Ce qui en fait l’une des civilisations les plus anciennes au monde. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux m’empêcher de penser à cet énigme qui m’a été délivré par le vieux gardien du Khouloud. « A travers le désert du patriarche, père d’une multitude de nation… » Abraham était surnommé ainsi, le père d’une multitude. Et nous venons de visiter la ville qui l’a vue naitre : Merv, appelée aussi Mary. « Tu suivras pas à pas les traces du dernier des caravansérails... » Alors, je me laisse prendre au jeu et je me dis : « on verra bien ». Je demande donc à mon guide de nous trouver un ancien, très ancien caravansérail. Il me dit que la meilleure façon de procéder est encore de suivre les traces des troupeaux de dromadaires. Je trouve l’idée intéressante. Après tout, qu’est ce qui connait moi aux caravansérails. Allons-y ! Effectivement, nous tombons sur des traces fraiches de camélidés (photo ci-dessus). « Nous sommes sur la bonne voix », me dit-il. Un peu plus loin, nous tombons sur les ruines de la « citadelle des femmes ». Un harem dévastée qui appartenait au souverain turkmène de l’époque, avant l’invasion des « barbares » du nord. La citadelle est en ruine mais le palais non loin de là est quasiment intact. Il aura résisté aux tremblements de terre ainsi qu’aux invasions des Uns qui auront éradiqué la population du pays, le laissant sans vie durant près d’un siècle. Mais les Uns étaient admiratifs de l’architecture turkmène parait-il, d’où l’état de conservation exceptionnel du palais. Aujourd’hui les tribus baloutches de la région continuent de venir rendre hommage aux derniers des grands souverains, enterrés là. Nous avons de la chance, nous tombons sur le cortège d’un mariage baloutche typique. Nous continuons notre route. Non loin de là, nous longeons les ruines d’une très vieille cité. Alexandria Margiana : la ville d’Alexandre, « le plus grand des jeunes monarques ». Effectivement, Alexandre n’avait pas encore vingt-cinq ans lorsqu’il a conquis la moitié du monde connu de l’époque. Aujourd’hui sa citée n’est plus qu’un vaste, très vaste monticule de terre battu par les vents. Et nous avons beau chercher encore et encore, aucune trace de cette fameuse armure. Nous tentons notre chance un peu plus loin, à Nisay. L’une des plus anciennes cité de cette région qui décidemment regorge d’histoire ! Les nicéens étaient un peuple riche, savant, réputés pour ses connaissances en médecines. D’ailleurs, non loin du centre de la citée nous trouvons les reste d’un cheval sacré, ayant subit le « rituel d’éternité » (photo ci-dessous). En langue ancienne, éternité se dit « khouloud », ce qui peut également signifier immortalité. Cela ne peut être qu’une simple coïncidence. Je demande alors à en savoir plus. Mon guide ma raconte que les anciens monarques de Nisay buvaient le sang de leur plus beaux chevaux. N’oublions pas qu’ici, le cheval est depuis longtemps un compagnon fidèle des cavaliers des grandes steppes. Le cheval est un animal sanctifié depuis de nombreuses générations. Mes qu’est-ce que les gardiens du khouloud veulent-ils que je fasse avec ce genre de superstitions antédiluviennes !? Y aurait-il au bout de ce périple qu’ils semblent m’inviter à poursuivre, un secret en mesure d’aider les enfants comme Baourjan dont les jours sont comptés ? Nous verrons bien. Quoiqu’il en soit, même si ces vieilles croyances ne seront d’aucune aide pour les petits enfants confrontés au Sida, je sais au moins être sur la bonne voix. Effectivement, non loin de là sur la route, nous croisons un troupeau de dromadaires (photo ci-dessous) qui se rendent au marché d’Achgabat, la capitale. Cet immense marché qui comme surgit de nulle part, s’étend sur plusieurs hectares. C’est le plus grand marché d’Asie centrale. On y trouve de tout : fruits exotiques, légumes variés, tapis d’orient, meubles polis par les ans, voitures d’occasion et même oui, des dromadaires ! Nous suivons par conséquent le troupeau jusqu’au terme de son périple. C’est ainsi que je fais la connaissance de « l’ancien », comme le surnomme tous les autres vendeurs des environs. Il passe pour être le plus vieux commerçant de dromadaires de toute la région. C’est sans doute aussi le dernier, le commerce de ce genre d’animaux périclite. D’ailleurs l’ancien, Iskandar de son véritable nom, s’est résigné à vendre ses derniers dromadaires. Non assistons à la vente des pauvres bêtes qui partent sans doute pour l’abattoir.
Iskandar, dit
"l'ancien", La vente de tous les dromadaires du veil Iskandar Iskandar parle peu. C’est un homme profond, ou alors triste je ne saurais dire. Les expressions de son visage sont indéchiffrables. Toutefois, lorsque je lui pose la question, il m’indique sans hésitation la route pour me rendre au dernier des caravansérails. Il me confit également que l’édifice est abandonné depuis des lustres. « Cela dit, tu trouveras là-bas un vieux gardien, plus vieux encore que moi », est-ce l’esquisse d’un sourire que je viens de voir apparaitre furtivement sur ses lèvres !? « Ce vieil ermite s’est fourré dans la tête de veiller sur une relique rongée par l’usure et l’oubli des hommes. Il dit qu’elle est aussi précieuse que le plus grand des secrets de notre humanité. Cet ermite vit tout près du caravansérail situé non loin de Kashan, la Perse ». Voilà, manquait plus que ça. Encore une énigme ! Toutefois, celle-ci semble relativement claire. Je dois me rendre en Iran et en avoir le cœur net : cette relique, s’agit-il de la très ancienne armure d’Alexandre. Et dans ce cas là, m’indiquera-t-elle la route à suivre après avoir quitté le Turkménistan. Quoiqu’il en soit cela tombe très bien. L’Iran était de toute façon le prochain pays sur ma liste. Je suis censé resté deux jours à Achgabat, notamment afin de visiter l’antique citée des Pars, ce peuple fier et insoumis.
La citée des Pars, environ d'Achghabat
Voilà, c’est ainsi que
je passe au Turkménistan les quatre premiers jours de repos
total que je
m'accorde depuis le début de mon périple. Batir
s'occupe de tous, moralement
c'est très reposant. Je fais trois bons repas par jours, je
dors tout mon sou
chaque nuit, après la sortie du matin nous
déjeunons et nous rentrons à l'hôtel
pour une petite
« kiloula » : une courte
sieste typiquement
Turkmène d’après mon guide. Je veille
bien à manger de nombreux fruits, je grignote
également entre les repas afin de
récupérer le poids que j'ai perdu durant ma
course effrénée sur la route de la soie. Je me
suis enfin résolu à prendre du
paracétamol et mon rhume a disparu avec mes cernes et ma
mine jaunâtre des
derniers jours. Je déteste les
médicaments ! Je hais savoir dépendre de
petites pilules. Aujourd’hui pourtant, tout va pour le mieux,
dans le meilleur
des mondes. Tout comme au Turkménistan, parait-il. Ce pays
est dirigé par un
président mégalomaniaque, dans la plus pure
tradition soviétique. C’est du
grand art ! Staline aurait été fier de
ses héritiers turkmènes. Le
président à écrit un livre fleuve, au
style propagandiste indigeste, traduit
néanmoins en plusieurs dizaines de langues (j’en
ai lu quelques passages). Non
vraiment, le Turkménistan est sans doute l’unique
pays au monde qui n’ai pas
basculé dans un capitalisme sans vergogne, après
la chute du mûr en 1989.
Effectivement, on s’en rend compte assez clairement en
ouvrant les yeux dans
les rues d’Achgabat, la capitale. Les gens donnent
l’impression de vivre dans
les années soixante. Pourtant, le pays est richissime. La
nouvelle ville a été rebâtie
sur les ruines de l’ancienne capitale, en dix ans pas plus.
Aujourd’hui ce sont
des bâtiments de marbre blanc partout, à perte de
vue. Des coupoles de toutes
les couleurs. Et au milieu, ca n’est pas une
rivière qui coule non, c’est la
statue en or du président. Trônant au sommet
d’une tour construite sur la place
centrale de la ville. Cette statue le représente le poing
levé vers le soleil.
Et elle tourne, la statue, en même temps que le soleil tout
au long de la
journée ! Le président est la
lumière de la nation, vous comprenez. C’est
d’un goût… Lamentable ! Mais
comment est-ce possible !? C’est moche
voilà tout ! Mais cela, je me suis bien
gardé de le lui
dire : « Oh oui, c’est
intéressant ce que vous avez fait de la
capitale de votre pays. Ah, ha… Et les habitants des anciens
quartiers, où
sont-ils passés au juste ? Eux aussi ils ont
été relogés en dix ans à
peine… ? » Là,
c’est le blanc, Batir ne répond pas.
Il trouve ça beau, le
brave Batir. Un guide touristique, vraiment !? Ici au
Turkménistan, il parait que les guides sont
imposés par le gouvernement,
qu’ils vous surveillent, vous posent des questions pour en
savoir plus sur vos
opinions politiques, religieuses et tout le reste. Je ne sais pas si
Batir est
un agent du gouvernement mais en tous cas il correspond parfaitement au
profil.
Il passe son temps à me poser des questions, l’air
de rien comme ça. Une chose
très drôle également, à
chaque fois que nous passons devant un bâtiment des
renseignements nationaux (l’ancien KGB, reconverti
après l’effondrement de
l’union soviétique), Batir à un mot
admiratif pour ses anciens collègues. Car
oui, il m’a dit avoir travaillé pour eux. Je pense
que c’est toujours le cas
d’ailleurs, il semble vraiment très bien
renseigné sur mon compte. Il connait
mes origines, il pose les bonnes questions, auxquelles je lui
réponds
sincèrement, je n’ai rien à cacher.
Certains rhétoriciens n’affirment-ils pas
que la meilleure façon de tromper votre ennemi,
c’est de lui dire la vérité au
moment opportun. Par contre, lorsque Batir me demande si je veux
connaitre la
situation des orphelins au Turkménistan, là je me
dis prudence. Mais c’est que
ce sauvageon n’a pas froid aux yeux !
C’était notre dernier soir ensemble,
nous étions à table en train de diner. A ce
moment là je me souviens avoir
tourné la tête, j’ai fait mine de ne pas
avoir compris la question. Pourtant
Batir parle un français impeccable. Oui, ça aussi
c’est un signe de plus qui ne
trompe pas. Aujourd’hui j’ai visité les ruines splendides, à flanc de collines, de l’ancienne Pars. Puis, j’ai laissé Batir loin derrière moi. Sur le plus personnel, il reste un individu à la compagnie tout à fait agréable. Cela dit, j’espère ne jamais recroiser la route d’individus vides, idéologisés, claquemuré dans la paranoïa d’un nationalisme déshumanisé, tel que seul le vingtième siècle à su en produire par légion entière. Je devais rester deux jours entiers à Achgabat. Par tous les démons inférieurs, quel calvaire cela aurait été. J’ai donc remercié le brave Batir et j’ai laissé derrière moi ce grand pays que fut un jour, il y a très longtemps, le Turkménistan. Vous pouvez dors et déjà consulter la page du Blog dédiée à mon Retrouvez la
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